Les Mots pour le dire est un roman autobiographique de Marie Cardinal. Écrit à la première personne, il raconte la maladie
physique de Cardinal ainsi que sa descente dans la folie, ses séances chez le
psychologue, et les souvenirs relevés par le processus de l’analyse qui aident la
narratrice à déconstruire sa fausse identité pour en créer une de nouvelle. Le roman est rempli de détails sur le corps, ce
qui le rend très réaliste et qui le sépare des autobiographies traditionnelles
en ayant une narratrice incarnée au lieu d’une qui ne réside que dans le monde
de l’esprit.
En parlant au
psychologue et en écrivant sur ses expériences, Cardinal est capable de
déconstruire la fausse identité « correcte » et « féminine »
imposée sur elle par la société et par sa famille bourgeoise. Cardinal décrit cette fausse identité ainsi :
« Jour après jour, on avait fabriqué : mes gestes, mes attitudes, mon
vocabulaire. On avait réprimé mes
besoins, mes envies, mes élans, on les avait endigues, maquillés, déguisés,
emprisonnés » [1] Ainsi, elle a refoulé les parties de son
caractère qui ne siéent pas à une jeune femme bourgeoise. Ce refoulement de sa propre identité pour plaire à sa mère et à la société est la source de ses
maladies physiques et mentales.
À travers les
séances de l’analyse et grâce à l’écriture, elle devient capable de reconnaître
toutes les facettes refoulées de son caractère, de les mettre à lumière et de les
concilier avec les autres parties de sa personnalité. Evelyne Ledeux-Beaugrand écrit sur la façon dont la nouvelle identité
de la narratrice, en tant que femme et algérienne, subvertit la notion de la
binarité en occupant ce que Bhabha appelle un tiers espace :
Le tiers espace
selon Bhabha rend possible l’émergence de nouvelles positions qui échappent à
la dualité. Toujours selon Bhabha, l’importance
de l’hybridité n’est pas de faire naître une troisième position de deux
positions déjà existantes, mais plutôt d’ouvrir un tiers espace où pourront naître de nouvelles identités.[2]
Le récit du roman
est fragmenté, ce qui reflète la confusion chez la narratrice causé par sa
maladie. Cette fragmentation semble également
inviter le lecteur à occuper une place au premier rang pendant que la narratrice
fait le processus de l’analyse pour se comprendre en mettant en place les
morceaux du puzzle composé de ses souvenirs.
On remarque aussi
les images des liquides : le sang pendant la maladie de la narratrice, la
morve, l’urine, les eaux de l’accouchement, et les larmes, incluant les images de la mer vers
la fin. Il est possible que ces images soient
des symboles des émotions dans l’inconscient de la narratrice, surtout dans la
scène vers la fin de son processus de l’analyse, où elle songe à inviter son
mari à nager avec elle dans les vagues. Dans
cette scène, c’est comme si, après avoir reconstruit sa vraie identité, elle invite
son mari à voir complètement ses émotions et toutes les facettes de son
caractère réel.
[1]
Cardinal, Marie. Les Mots pour le
dire. London: Bristol Classical Press,
2009.
[2]
Ledeux-Beaugrand, Evelyne. « La folie comme lieu de métamorphose
dans Les Mots pour le dire de Marie Cardinal ». Metamorphoses :
reflexions critiques sur la littérature et la langue et le cinéma. 0101 (2002) :
93-104.
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